Un soir de Thanksgiving qui vire au drame, une maison s’embrase à Orange, dans le New Jersey. Au cœur des flammes, deux sœurs : Pojanee “PJ” Fleury et son aînée Frantzia. Elles meurent en tentant de sauver leur père handicapé. Pourtant, leur histoire ne se résume pas à ce dernier geste. Elles laissent derrière elles un univers d’édition, d’innovation intime et d’engagement communautaire qui mérite d’être raconté comme un grand récit.
Deux sœurs, un même destin de lumière
Nées dans une famille haïtiano-américaine, Pojanee et Frantzia partagent très tôt le goût des idées, de l’esthétique et du service aux autres. Ensemble, elles transforment leur vision en projets concrets. Ainsi, en 2007, Pojanee lance Brown Eyez, un magazine indépendant qui célèbre l’art positif, la culture afro-descendante et la santé holistique.
Frantzia, complice et pilier, l’accompagne dans les coulisses. Elle est présente lors des bouclages tardifs, des événements, des rencontres et des décisions stratégiques. Peu à peu, les deux sœurs bâtissent autour de ce titre un véritable univers éditorial. Elles multiplient les initiatives pour raconter autrement les communautés noires et donner à la diaspora des images à la hauteur de sa créativité.
Dans les pages de Brown Eyez, les visages afro-descendants se parent d’un éclat nouveau. On y parle de bien-être, d’entrepreneuriat et de créativité. La mise en page reste soignée, la narration valorise plutôt qu’elle ne juge. Ainsi, chaque numéro devient un écrin pour des parcours souvent invisibles ailleurs.
L’inventrice de l’intime
Pourtant, Pojanee refuse de se laisser enfermer dans une seule étiquette. À côté de l’édition, elle ose un pari inattendu : réinventer la culotte. De cette audace naît une culotte convertible, capable de passer d’une coupe couvrante à un thong ou un g-string en quelques gestes.
Sous la marque Luna Lane, elle signe un objet à la fois pratique et audacieux, qui parle de liberté féminine autant que de design intelligent. Cette création incarne son esprit : élégant, ingénieux, résolument tourné vers les besoins réels des femmes.
Elle raconte ce chemin dans son livre Who’s Going To Invent That, You?. Elle y détaille ses doutes, ses essais, ses refus et ses victoires. Chaque page ressemble à une invitation à agir. Si quelque chose manque au monde, cette absence peut devenir le point de départ d’une invention. Ainsi, la visionnaire rejoint la pédagogue et l’inventrice tend la main aux autres créateurs.
Le feu, puis l’héritage
Le soir du drame, Pojanee et Frantzia réagissent comme elles ont vécu : en pensant d’abord aux autres. Elles remontent dans la maison en feu, guident leur père vers la sortie, puis aident plusieurs membres de la famille à se mettre à l’abri. Elles, pourtant, n’en réchappent pas.
La nouvelle de leur mort choque la communauté. Très vite, les hommages affluent. On salue leur élégance, leur gentillesse, leur détermination. Il reste les magazines, le livre, la culotte convertible. Il reste surtout un exemple : celui de deux sœurs glamour et profondes, ambitieuses et généreuses, créatives et courageuses jusqu’au bout.
Aujourd’hui, leur héritage invite à prendre le relais. Inventer, créer, publier, protéger à notre tour. Sans bruit, mais avec style.
